Chroniques de Jérusalem - Guy Delisle - Shampooing
Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem, Shampooing, 2011
A l'origine de ce nouvel opus, c'est l'installation de la famille Delisle à Jérusalem et plus précisément dans la partie Est de la ville, la partie musulmane. La famille c'est la petite Alice, Louis le garçonnet, Nadège qui travaille pour Médecins sans Frontières et Guy auteur de bandes dessinées. Ainsi, pendant que sa compagne va travailler à l'amélioration des conditions de vie de la population palestinienne, Guy Delisle va pouvoir découvrir le pays et ses multiples réalités.
Et ces réalités ne sont pas des plus simples, ni des plus calmes, ce serait peu de le dire. L'exemple le plus frappant est bien entendu l'attaque de la bande de Gaza par les forces israéliennes, fin décembre 2008-début janvier 2009, connue sous le nom de "plomb durci". Une opération que l'auteur suit au jour le jour depuis Jérusalem-Est et auquel il ajoute la relation des difficultés des ONG pour se rendre sur place. Mais, à côté de cet exemple extrême, il y a toutes les vexations des Juifs envers les Arabes et celles des Arabes contre les Juifs. Vexations quotidiennes anodines ou beaucoup plus graves qui ne font qu'empoisonner les relations entre les deux communautés pourtant condamnées à vivre ensemble. Delisle le montre très bien, tant à Jérusalem qu'à Naplouse, à Ramallah ou surtout à Hébron, parce qu'il y a une extrémisation de part et d'autre, ces deux communautés sont arrivées à un point où tout dialogue est devenu impossible. Si bien que l'érection d'un mur de séparation est ressentie comme l'ultime moyen de protection pour les Juifs et comme l'ultime vexation pour les Palestiniens, et plus généralement par tous ceux qui vivent dans la partie arabe, car il rend les trajets beaucoup plus longs puisqu'il oblige à des tours et des détours mais aussi parce qu'il s'accompagne de nombreux check-points.
Cependant, les tensions entre Juifs et Arabes ne sont malheureusement pas les seules. Comme si la vie sur la Terre sainte rendait fous ceux qui y habitent, Delisle narre aussi les relations exécrables entre les différentes communautés chrétiennes : catholiques, protestants, maronites, arméniens, grecs, coptes, syriaques... Et principalement dans la gestion de l'église du Saint-Sépulcre (je laisse le lecteur les découvrir en lisant la bande dessinée). si bien qu'une question vient à l'esprit du lecteur : pourquoi tant de violence et de haine sur cette terre où tout le monde voudrait trouver la paix ? Cette situation désastreuse encourage d'ailleurs l'auteur à s'exclamer : "Merci Dieu, de m'avoir fait athée". Toutefois, cela ne l'empêche pas d'installer son atelier dans l'enceinte d'une église allemande et de faire la connaissance du pasteur et de sa vision du monde assez étonnante. La Terre sainte est décidemment une terre de contraste.
Cependant, la situation à Jérusalem et dans les colonies juives n'est pas généralisée à l'ensemble d'Israël. La vie à Tel Aviv, par exemple, est on ne peut plus éloignée des excès religieux. Comme des parenthèses enchantées, Guy Delisle s'y rend quelques fois avec les enfants pour profiter de la plage et certainement pour décompresser. L’avenir de la région viendra bien évidemment de cette partie du pays.
Je ne peux que conseiller la lecture de ces Chroniques de Jérusalem, parce que, à son habitude, Guy Delisle y jette son regard tout autant curieux qu'amusé, voire désabusé. Elles permettent de voir un peu plus clair dans une situation très obscure.
Ce que j'aime :
- Le jeu sur les couleurs, nouveau chez l’auteur, qui approfondissent les impressions données par les sujets abordés.
Ce qu'il manque :
- Une explication rapide du sionisme qui permettait de mettre en lumière les exactions des Juifs contre les Palestiniens (sans pour autant les pardonner, bien entendu).